Catherine Lacoste, chez elle...

Impossible de passer par le Lacoste Ladies Open de France à Chantaco sans en profiter pour s’asseoir un instant avec l’égérie des lieux. Conversation...
Par Nathalie Vion pour la Fédération française de golf
Elle fait partie de ces êtres qui savent parler en souriant et sans durcir la voix. Même pour dire ses quatre convictions. Catherine Lacoste vaut la peine d’être écoutée, entendue, en direct. Et encore plus quand la conversation se déroule dans le clubhouse de Chantaco, le fameux «fief Lacoste». Catherine -on a envie de l’appeler directement par son prénom contre tous les usages de politesse- y prend place à l’une des tables du restaurant. Avec un geste accueillant malgré ce bras droit replié sur son giron: «Je suis tombée bêtement et me suis arraché deux ligaments de l’épaule, il va falloir que je me fasse opérer».
Derrière elle, tendre symbole, le magnifique portrait géant de sa mère, Simone Thion de la Chaume. Tout un pan de mur pour ce cliché noir et blanc, où la grande championne d’avant-guerre, silhouette de golfeuse fragile, presque éthérée, porte un chapeau d’homme. Le visage est fin, aristocratique, dessiné comme celui d’un très jeune homme. On dirait une héroïne d’un vieux film américain des années 40 ou 50.
«Et vous avez vu ces photos-là?» Catherine nous montre, sur le mur d’à côté, un cadre avec un petit basque en culottes courtes et béret noir: «C’est Kiki Larretche. Et à côté, regardez, sur les photos de groupe. Ils étaient tous si jeunes! Là, c’est Bernard (Pascassio). Là, Philippe (Mendiburu). Là, Dominique (Larretche)! C’est avec eux, c’est avec les garçons, que je jouais au golf, petite. J’avais douze ans, je partais comme eux des boites arrière. Dommage qu’aujourd’hui, il n’y ait pas plus de «frottements» entre garçons et filles. Ca fait progresser tout le monde. Les filles, ça leur donne envie de prouver ce qu’elles valent. Et les garçons, ils n’ont pas envie de se faire battre par les filles!»
Ca se passe comme ça, avec Catherine Lacoste. Simplement. Alors, bien sûr, quand on échange avec elle, reviennent assez souvent le sujet du golf de Chantaco et du Pays basque comme berceau du golf. Ou, bien évidemment, les péripéties de sa carrière couronnée par la victoire à l’US Open en 1967 (elle est toujours la seule amateur à avoir remporté un Majeur). Mais sur les sujets qui la touchent moins directement a priori, il y a aussi toujours un moment où jaillit LA petite phrase. Extraits...
Bonjour Catherine, pour la deuxième année de l’Open de France chez vous, à Chantaco, les Françaises sont très bien placées. Une victoire tricolore ce dimanche, vous y croyez?
Il y a de quoi y croire! Ce serait merveilleux pour tout le monde: Chantaco, Lacoste, le public et la Française qui gagnerait!
Suivez-vous encore beaucoup le golf de compétition?
Oui, je regarde depuis très longtemps et très souvent les tournois sur le «Canal + golf» espagnol. Je vis depuis 43 ans en Espagne, près de Cadix (Angel Pinero, son mari, guitariste et compositeur, est justement à la table d’à côté, ils ont pris le café ensemble avant ce petit entretien). Ils viennent de faire un très beau programme de une heure et quart sur moi, en comparant mon swing de l’époque avec celui d’une joueuse de maintenant. Mais je ne me souviens plus du nom...»
Qui aimez-vous le plus dans les golfeuses et golfeurs actuels?
Tous les Français et toutes les Françaises. Et les Espagnols aussi. Olazabal qui est un ami. Jimenez qui est un homme merveilleux. Grégory Bourdy, Thomas Levet et les filles bien sûr.
Gwladys Nocera?
Gwladys était venue ici pour les 75 ans de Lacoste. Nous avions organisé un match exhibition avec Patricia Meunier-Lebouc, Cristie Kerr et Lorena Ochoa. Elle a beaucoup d’expérience et joue très bien. Je crois qu’il ne lui manque juste qu’un peu de confiance! Dommage qu’elle n’ait pas eu le courage de se lancer plus longtemps aux Etats-Unis. Je sais que c’est compliqué, qu’on peut se sentir seule là-bas. Mais il faudrait que nos Françaises partent sur le LPGA Tour à plusieurs, qu’elles se tiennent les coudes, tout serait plus facile.
Anne-Lise Caudal a prévu de retourner passer les cartes du LPGA Tour fin 2014...
Ah, c’est bien! Anne-Lise, je la sponsorise depuis deux-trois ans. Elle le mérite. Et je l’encourage à partir tenter sa chance sur ce circuit américain. Elle fait partie de ces filles déjà arrivées à un très bon niveau mais qui auraient besoin d’un petit coup de pouce. Qui doivent maintenant passer la vitesse supérieure. Nous réfléchissons à tout cela avec le fonds de dotation Porosus qu’une partie de la famille (Lacoste) a créé au début de cette année 2013...
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce fonds de dotation Porosus?
Vous savez ce que signifie «Porosus»? C’est le nom latin qui désigne le plus grand crocodile au monde! Ce Fonds aidera de jeunes talents aussi bien dans le milieu artistique que dans le sport. Il y a déjà le festival des jeunes réalisateurs (de cinéma) de Saint-Jean-de-Luz. Le Masters de guitare classique d’Alicante en Espagne. Nous faisons une sorte de concours et les premiers prix se voient attribuer une bourse.
Pour le golf, savez-vous déjà qui vous voulez aider?
C’est tout récent, donc nous sommes en train de voir. Bien sûr, par rapport à mon histoire personnelle dans le golf, ce sera les filles en priorité. Nous en discutons, nous prenons des avis. Avec Maïtena (Delamontagne, DTN-Adjoint à la Fédération française de golf), Patricia (Meunier-Lebouc, ambassadrice Lacoste) ou Eric de Saint-Louvent (élu de la ffgolf).
Y a t-il, selon vous, une façon différente d’aborder le golf aux Etats-Unis et en Europe?
Oui. Aux Etats-Unis, la formation d’un joueur est simple. C’est juste: gagner, gagner et gagner! Chez nous, on joue bien. Mais il faudrait y croire aussi...
Les joueurs français, filles et garçons, gagnent des tournois en Europe mais pas de façon régulière, c’est cela?
Oui, ce qui me frappe, c’est qu’avec le travail, les moyens mis en place et le talent de nos joueurs, ils n’arrivent pas à gagner plus souvent. Il faut qu’ils y croient! Ils sont bons mais j’ai l’impression que parfois, il leur manque un petit quelque chose, l’étincelle, vous voyez?
Karine Icher a eu le courage de partir s’installer depuis dix ans aux Etats-Unis pour jouer avec les meilleures et elle fait maintenant partie du top 20 ou 25 mondial. Mais ce n’est pas toujours simple pour elle quand elle revient en France, il y a un décalage, elle se retrouve parfois isolée, sans reconnaissance...
Vous savez, j’ai vécu cela aussi à ma façon, je sais ce que c’est. En 1965 et 1967, quand je suis allée disputer mes deux US Open, je m’étais pas mal accroché avec la Fédération. Parce que les deux fois, cela me faisait louper le Championnat d’Europe par équipes. «Ils» comprenaient mal que mes parents et moi, nous demandions à ce que je puisse plutôt jouer un Majeur aux Etats-Unis. Quand je suis rentrée de l’US l’Open en 1967, avec mon titre, il n’y avait personne pour m’attendre à l’aéroport. Mais après, tout s’est arrangé et nous étions tous contents de ma victoire.»
Un mot sur Karine Icher?
Ce qu’elle fait cette année, ses résultats, c’est formidable. Elle a réussi aussi une Solheim Cup remarquable. C’est une grande joueuse. Et je pense qu’elle fait partie de ces sportifs qui ont la volonté de faire les choses par eux-mêmes. Ce n’est peut-être pas mauvais qu’elle ait un peu de caractère! Moi aussi, j’en avais..
Au début de notre conversation, vous avez évoqué Karine et une déclaration qu’elle a faite sur le parcours de Chantaco et qui vous a un peu chagrinée... Mais vous allez sans doute en parler avec elle, son intention n’était sûrement pas de blesser qui que ce soit... Plutôt de dire les choses honnêtement et comme elle les sent...
Oui, j’ai lu dans l’interview accordée à Frédéric Pelatan dans L’Equipe qu’elle parlait de Chantaco comme étant un parcours peu sélectif. Cela m’a un peu ennuyée car même si ce n’est pas un parcours long, il faut vraiment placer ses coups aux bons endroits. C’est un parcours de formation remarquable, avec des greens qui ont des pentes très intéressantes. Pour moi, ce parcours a été fondamental dans ma formation. Très utile. Ici, la précision prime. Je suis sûre que bien des Américaines apprendraient des choses à jouer des parcours comme Chantaco. Karine est peut-être trop habituée aux parcours US du LPGA Tour et je crois qu’elle n’a pas perçu tout ce que je vous explique sur Chantaco. Mais elle peut rectifier son avis d’ici à la fin du tournoi!
Pour qu’il y ait plus de joueurs et de joueuses français dans le top 50, 30 ou 20 mondial, comme Icher, quelles recettes donneriez-vous?
Peut-être que nos joueurs soient davantage mis en contact avec ceux qui ont gagné avant. Et puis surtout, je pense qu’il faut les aider mais pas trop les chouchouter. Bon, je vous donne encore mon propre cas. En 1965, pour mon premier US Open en tant qu’amateur, mes parents m’avaient très gentiment emmenée sur le paquebot France. Ils me disaient que je n’aurais plus l’occasion de vivre pareille expérience après. Sur le tournoi, nous étions à l’hôtel ensemble et j’étais vraiment chouchoutée. Bon, je fais 14e, ce qui n’était pas mal...
Mais deux ans plus tard, pour l’US Open 1967, vous partez seule?
Oui, c’était en Virginie, dans les Blue Mountains. J’avais 22 ans... J’ai dit à mes parents que j’ y allais seule cette fois. Maman était surprise. Et un peu ennuyée car elle avait tellement envie d’être là quand je gagnais qu’elle redoutait toujours de rater une victoire. Mais ils m’ont laissée partir et me prendre en charge... Le petit hôtel où j’étais seule, la famille adorable rencontrée autour de la piscine et qui m’a suivie ensuite toute la semaine, le pro local qui m’a fait découvrir le parcours, le cadet à trouver en arrivant... Je me disais: Là, tu es toute seule. Tu dois te bagarrer toi même!
Cela a bien marché! Mais parliez-vous anglais? Ce qui est essentiel pour un joueur ou une joueuse, hier comme aujourd’hui...
Oui. Parce que maman, qui était née en 1908, avait vécu en Angleterre durant la première guerre mondiale. Et donc, à la maison, elle et moi ne parlions qu’anglais (Catherine est donc trilingue espagnol-anglais-français). C’était elle-aussi une très très grande championne. Comme mon père pour qui elle a été un complément indispensable, très discrète mais essentielle. C’était un couple fantastique.
Vous êtes presque un miracle. Parce que réussir dans le sport quand on a au-dessus de sa tête des parents qui ont été de tels «aigles» dans leur discipline, est assez rare...
J’étais quand même dans un environnement propice, favorable... Mais c’est vrai qu’il a fallu que je n’écoute pas trop ma grand-mère maternelle. Elle vouait une admiration sans bornes à ma mère et ne cessait de me répéter: Tu ne joueras jamais aussi bien que ta mère! J’ai voulu lui prouver le contraire...
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