Ko pour le titre, Nocera de la fête

Par Nathalie Vion pour la Fédération française de golf

The Evian Championship, la légende de l’eau continue...
Avant d’aborder le sport, petit point obligé sur le ciel et ses caprices... Pleuvra t-il autant que prévu sur Evian dans la nuit de samedi à dimanche? La première édition de The Evian Championship, déjà ramenée à 54 trous après les trombes d’eau de jeudi, va t-elle encore être perturbée? Le bâchage des greens à la tombée de la nuit suffira t-il à éviter leur saturation en eau et le syndrome de l’éponge qui finit par dégorger? Devra t-on jouer le troisième et dernier tour du cinquième Majeur féminin de la saison à cheval sur dimanche après-midi et lundi matin? Les officiels du LPGA Tour, alarmés par leur météorologiste sur la pluviométrie à venir (et les possibles «fenêtres de tir» qu’il juge possibles entre deux déluges) ont en tout cas évoqué cette configuration. Alors que le deuxième tour du tournoi, ce samedi, démarrait pourtant sous le soleil et un début de chaleur lourde... Yannick Le Hec, le «superintendant» français (et même breton-savoyard) du parcours, décidait aussitôt de prévoir un système de bâches ingénieusement conçues à partir de grands carrés de polyane. Et de faire tester dans l’après-midi ces prototypes «made in Evian» sur les greens du centre d’entraînement du golf, l’EMTC (Evian Masters Training Center)! Sans pour autant oublier de rappeler que, couleurs du ciel en berne ou pas, «tout sera fait et mis en oeuvre pour finir le tournoi ce dimanche à 17 heures, maximum 17h30». Pour faire accélérer la cadence, il est d'ailleurs prévu des départs simultanés depuis les n°1 et n°10. Et trois joueuses par partie.

Karine: «Un résultat à zapper mais il faut l’accepter»
Karine Icher ne sera pas de cette expérience qui s’inscrira peut-être dans la longue légende météorologique de The Evian, le premier Majeur waterproof! Petit nuage noir, en effet, avec l’élimination (trop) précoce de la numéro 1 française, trahie par son putter au plus mauvais moment. Avec 77 (+6) pour la journée, et donc un score cumulé de +8, Karine aura au moins la consolation de ne pas se voir refuser l’accès à la finale pour une demi-queue de cerise. Quatre coups de trop. C’est net. Douloureux mais franc. La jeune femme encaissait de toute façon le verdict avec un réalisme et une stabilité d’humeur qui forcent de plus en plus le respect. Sa progression dans la hiérarchie mondiale (21e), la nouvelle stature qu’elle a conquise ces derniers mois, paraissent liées à cette attitude costaude et saine. «Le parcours n’était pas plus difficile que vendredi, disait-elle, le regard et la voix aussi francs que si elle venait de signer une bonne «perf». Je n’ai tout simplement pas bien joué. Vraiment pas rentré un putt. Bien sûr, je suis déçue. Ce n’est jamais amusant de mal jouer. D’autant moins drôle que j’avais à coeur de réussir ici. Golfiquement, c’est donc une semaine à zapper. Mais il faut accepter. En tirer les meilleures conclusions. J’ai du boulot au niveau du putting. Dans ma carrière, je louperai d’autres tournois, même les semaines où je suis en forme, car cela arrive. Et c’est parfois là qu’on apprend le plus.»

Gwladys: «J’ai fermé les yeux pour mon dernier putt au 18!»
Apprendre. Comprendre comment on fonctionne dans un tournoi majeur... Gwladys Nocera a déjà été amenée à le faire plusieurs fois dans sa carrière, aux Etats-Unis comme au British Open. A l’Evian Masters, déjà considéré comme le cinquième Majeur bien avant son label officiel de 2013 (et qu’elle a pratiqué neuf fois en tout, lire par ailleurs l’article d’avant 2e tour: «Gwladys Nocera, tête haute»), son mode d’emploi personnel a souvent été le même... Un premier tour à la limite de l’effroi... et un second tour de folie, pour arracher le cut avec les dents! Comme si elle jouait avec ses propres nerfs... pour mieux déployer toute sa pugnacité et son talent une fois le dos au mur. «Oui, à Evian, il faudrait décidément que je m’excite dès le premier tour» souriait-elle après son cut réussi, ce samedi. En signant un + 1 (72) pour la journée, portant sa carte totale de + 4, la numéro 3 européenne passait cette fois par un vrai trou de souris: 65e, donc tout juste dans les 70 meilleures et ex aequo. Et il s’en est fallu d’une moustache pour que la qualification pour le troisième et dernier tour ne soit mangée par le chat! Après une très fine sortie de bunker au n°18, mais une balle «trop vite sortie du putter» dans la foulée, Gwladys devait rentrer un putt de retour faisable mais crucial pour le bogey et le maintien à + 4. «J’ai fermé les yeux pour ce putt!» dira t-elle, à peine revenue de cette ultime angoisse. Quel objectif de score pour le final de ce dimanche? «Faire mon maximum sur chaque coup, voilà mon objectif de score!»

Joanna: «Ni inquiète, ni nerveuse, j’ai adoré l’expérience»
Gwladys Nocera ne se mêlera pas, à son grand regret, à la bagarre pour une place dans le top 20. Surtout avec un seul tour à disputer et un tournoi ramené à 54 trous. Mais elle consolidera sa place parmi les patronnes du LET grâce aux points marqués dans cet "Evian". Un bonus non négligeable et dont Joanna Klatten aurait également aimé bénéficier, elle qui est 21e de l’Ordre du mérite européen. Ca ne passe pas, malheureusement, pour Joanna. Mais son + 3 (74) du deuxième tour ne reflète pas la physionomie de sa partie. Cinq birdies dans les neuf premiers trous! C’est ce qui s’appelle tenter sa chance d’outsider à fond, même si le coût en bogeys s’est avéré assez élevé: trois à l’aller, trois au retour en plus d’un double bogey au par 3 n°14. «Mais si on me demande si j’ai craqué nerveusement, ce n’est pas du tout le cas! Je n’étais ni inquiète ni nerveuse, j’étais dans le présent et j’ai adoré le parcours! Cette participation à The Evian a été une super, une belle, expérience. Je ne me suis pas ennuyée. Et si je peux être un tout petit peu frustrée, c’est juste parce que je sentais que j’aurais eu le jeu pour passer ce cut. Sur le retour, j’ai simplement eu moins de pêche d’un seul coup, peut-être le fait d’avoir alterné birdie-bogey-birdie-bogey, birdie-bogey à l’aller.»

Lydia Ko, «amateur majeure» comme Catherine Lacoste en 1967?
Dans le champ des 120 joueuses de cet Evian Championship 2013, il y en a une qui aurait la fâcheusement belle tendance à alterner les birdies... avec les birdies! Son nom? Tout simple, tout rond, tout beau: LYDIA KO. Cette petite bonne femme de 16 ans aux grosses lunettes d’écaille, qu’on imaginerait plus facilement discuter de physique quantique avec Stephen Hawking ou avec Phil Mickelson (lui-aussi passionné par les agrégats d’atomes et autres clusters), écrit chaque semaine un peu plus son nom en lettres capitales. Deuxième provisoire du classement (ex aequo avec Suzann Pettersen, la n°3 mondiale!) après son 67 (-4) dans ce deuxième tour, la Néo-Zélandaise originaire de Séoul n’est qu’à un coup de la leader, Mika Miyazato (69 ce samedi): 134 au total pour la Japonaise et 135 pour la «kiwi» venue d’Auckland! Rappelons que Mika du Japon adore le site et qu’elle a été plusieurs fois dans la course au titre pour l’Evian Masters. Idem pour»Suzie» Pettersen. Et encore plus pour Stacy Lewis, la numéro 2 mondiale, qui fut carrément 2e des éditions 2011 et 2012! Lewis, cette fois, est 4e après deux tours (136), à deux coups de Miyazato et à un coup de Pettersen, ex aequo avec Ko, comme on l’a dit. Toutes ces «grandes», pourtant dans leur jardin d’élection et de réussite, peuvent avoir une sacrée frousse, demain dimanche. Déjà trois fois vainqueur de tournois pros (dont deux fois à l’Open du Canada), Lydia Ko est dans une telle spirale ascendante, une telle facilité, une telle légèreté mâtinée d’autorité, que les «vieilles» de 20, 30 ou 35 ans ont du mouron à se faire ce dimanche. La pluie, si pluie il y a, pourrait être leur seule alliée: «Avec mes lunettes, qu’il faut nettoyer, ce n’est pas très agréable de jouer dans le mauvais temps, dit la teen-ager. Il faudrait inventer un modèle avec des essuie-glaces!» Demain soir «notre» Catherine Lacoste, lauréate de l’US Open en 1967, pourrait bien ne plus être la seule amateur de l’histoire du golf féminin à avoir remporté un Majeur!

Photo Philippe Millereau / KMSP / DPPI