Le match USA-Europe sur un ring XXL

Seize parties de match-play en doubles, suivies de douze simples, c’est le programme à partir de demain vendredi à St. Leon-Rot. Pour les Américaines comme pour l’Europe de Karine Icher et Gwladys Nocera, les 6037 mètres du parcours vont être très longs, surtout avec un fairway assoupli par des pluies diluviennes.
Le parcours est vert, clean, manucuré, « en grande forme » acquiescent toutes les joueuses depuis le début de la semaine à St. Leon-Rot. But it will be a long long long way, notent-elles en choeur et dans la langue de Shakespeare. Avec ses 6592 yards, soit 6037 mètres, le « ring » de la Solheim Cup 2015, avec seize rounds pour les doubles de vendredi et samedi et douze rounds pour les simples de dimanche, prend des proportions XXL. La faute à ces conditions hyper-pluvieuses sur la région de Mannheim-Heidelberg qui rendent les fairways spongieux. Beau terrain mais terrain lourd, voire gras, very soft, disent les filles plus élégamment.
« Les fairways sont assez humides en effet, lâche Stacy Lewis, la n°3 mondiale au Rolex ranking (donc la mieux classée des vingt-quatre joueuses en lice puisque Inbee Park, la n°1 mondiale, et Lydia Ko, la n°2, sont au repos pour cause de nationalités coréenne et néo-zélandaise.) L’Américaine se fait l’interprète de toutes en ajoutant que l’avantage, ce sera que la balle « tiendra », ne bougera pas d’un millimètre en touchant le sol, qu’il va y avoir moyen de lâcher quelques fléchettes téléguidées, de planter des mâts, « ce qui est parfait pour le match play ». Idéal aussi pour le public, qui verra du jeu de précision… à défaut de pouvoir songer au concours d’élégance!
Car si le parcours de la Solheim Cup est impeccable, les abords du clubhouse et les vastes parkings sur herbe se sont transformés en bourbier géant. Ces trombes d’eau qui se sont encore abattues sur St. Leon-Rot dans la nuit de mercredi à jeudi n’ont rien arrangé. Va falloir oublier les escarpins couleur beurre frais et les robes de taffetas pour chausser les bottes agricoles façon retour du labour en Beauce. Côté joueuses européennes, on imagine le pire pour ces trois tenues joliment claires, à endosser au fil des jours: pantalons blancs de rigueur pour tous les matchs et surtout, doux pastel de blanc, gris et rose poudré pour la journée de samedi. Mais on en est pas encore aux inquiétudes de teinturerie post-tournoi.
Les Américaines pensent surtout à stopper les Européennes, en quête de ce hat-trick (trois victoires successives en 2011, 2013 et peut-être 2015) qu’elles sont pour l’instant les seules à avoir réussi dans le passé (1994-96-98 et 2005-07-09). Les Européennes veulent continuer à prouver qu’en équipe, elles défient la logique du classement mondial. Car juste pour ce qui est du Cinq majeur, il n’y a pas photo: Lewis (3e mondiale), Thompson (4e), Lincicome (14e), Kerr (15e) et Wie (20e) pèsent davantage sur le papier que Pettersen (8e mondiale), Nordqvist (12e), Munoz (26e), Gal (42e) et Hull (50e). La moins bien classée des douze Américaines, Paula Creamer, est encore 48e mondiale tandis que la majorité des Européennes, comme Karine Icher, 58e, ou Gwladys Nocera, 64e, se situe au-delà du top 50.
Après, beaucoup de choses entrent en ligne de compte. Il y aura déjà le paramètre de la pression très spéciale de la Solheim Cup. Énorme selon Stacy Lewis: « Si je devais donner une image, je dirais qu’en Solheim, c’est comme si on jouait le 18e trou d’un Majeur encore, encore et encore. Sur chaque coup, sur chaque trou, voilà le type de pression que l’on ressent… » Il y aura ensuite la notion d’un public conquis à la cause des Européennes. Un avantage? Pas forcément. Karine Icher cite l’exemple de ce qui s’est passé lors de la dernière Solheim, en 2013 à Parker, dans le Colorado. L’Europe triomphait pour la première fois sur le sol américain, une victoire historique.
« Il y avait une très grosse énergie autour de l’équipe US, raconte Karine. Mais à un moment, c’est devenu trop. Limite méchant. Cela a déteint sur les joueuses américaines, qui ont fini par frôler les limites de l’arrogance et de la politesse. Mais du coup, cela nous a encore plus motivées, nous les Européennes. On a eu encore plus envie de gagner alors que nous n’étions pas du tout favorites sur le papier. Cela a tourné de notre côté et elles ont pris une belle claque. Oui, 18 à 10… » L’Espagnole Azahara Muñoz, qui avait joué deux foursomes avec Karine en 2013 (victoire 2&1 face à la paire Cristie Kerr-Paula Creamer le vendredi; défaite 1 down face à Stacy Lewis-Paula Creamer le samedi) en avait déjà parlé: « Dès notre arrivée dans le Colorado, notamment durant les discours de la cérémonie d’ouverture, nos adversaires nous avaient bien fait remarquer qu’aucune équipe européenne ne s’était imposée sur leur sol. Cela a décuplé notre envie! »
Cette semaine à St. Leon-Rot, à propos des conditions humides et spongieuses qui font donc craindre à toutes que le parcours soit très long, véritablement XXL, Stacy Lewis a émis ce jugement: «Avec toute cette pluie et l’humidité des fairways, je pense que les joueuses qui ont de la longueur auront un avantage massif (huge)… » Simple info ou petite intoxe? Car comme pour le comparatif du classement mondial, il n’y a pas photo si on prend comme référence le classement « Driving distance » du LPGA Tour. On le sait, Joanna Klatten (la Française n’est pas sélectionnée à St. Leon-Rot) est en tête de ce ranking-ci avec 274,420 yards de moyenne sur la saison. Mais derrière, hormis l’Espagnole Carlota Ciganda, 5e à 267,177 yards, les plus grosses frappeuses sont pour l’essentiel des Américaines de Solheim Cup: Britanny Lincicome (2e à 268,233 yards), Lexi Thompson (4e à 268,274) ou Gerina Piller (9e à 263,385). En comparaison, la Suédoise Caroline Hedwall (qui avait ramené 5 points sur 5 à l’Europe lors de la Solheim 2013, un record!) est 61e à 250 yards. Et Karine Icher, qui a d’autres atouts certes, ne se trouve qu’à la 112e place de ce classement avec 242 yards…
La longueur du parcours de St-Leon-Rot, ces 6 kilomètres encore « aggravés » par les trombes d’eau et l’imprégnation progressive du terrain, est en tout cas le point le plus discuté avant le coup d’envoi des matchs, ce vendredi 18 septembre. « Nous avons intérêt à préparer nos hybrides et nos bois!» estime l’Américaine Lizette Salas. « Ils vont sans doute raccourcir quelques trous, espérait l’Anglaise Melissa Reid tout en restant extrêmement positive: «En équipe, ça ne nous ennuie pas que ce soit long, on aime ça. Et puis à côté de cela, on a un rough assez épais mais qui est assez « fair ». Et le parcours est immaculé, un super travail y a été fait. »
Avis également enthousiaste de la part de Britanny Lang, joueuse US: « C’est très long. On va sortir les bois 5, les bois 3, les hybrides. Mais c’est fantastique. J’aime cela. » Même optimisme apparent chez la Norvégienne Suzann Pettersen, leader incontestée du groupe avec sept Solheim Cup déjà disputées et un rang de 8e mondiale: «Vous savez, c’est sympa aussi quand on se laisse un fer 5 en deuxième coup sur les par 4. On adore toutes ça! Toutes? Pas si sûr. Karine Icher, avec sa façon claire de dire les choses telles qu’elles sont, sans fleurs diplomatiques autour, est sans doute plus près du ressenti de la majorité des joueuses des deux camps.
« Plus de 6000 mètres, c’est long, dit la Française. Extrêmement long. Surtout avec cette météo. Là, ça fait beaucoup de pluie depuis quatre jours. Le parcours est très beau et il "boit" très bien. Mais tout de même. Je pense que les tees vont être avancés. Car si cela reste aussi long que lors des parties d’entraînement, il y aura certains par 4 qu’on ne touchera pas en deux. Et puis jouer « drive-bois 3 » toute la partie, c’est nul. Usant. Pas marrant. Et il faut aussi savoir ce qu’on veut pour le public. Les gens sont là pour voir des birdies, pas des bogeys! »
Ce jeudi après-midi à St. Leon-Rot, lors d’une dernière conférence de presse de joueuses aux côtés de ses co-équipières Sandra Gal (Allemagne) et Anna Nordqvist (Suède), Karine gardait un sang-froid royal pour donner son opinion sur la déclaration de Stacy Lewis («Cette longueur avantagera les grosses frappeuses »)…« Eh bien, Stacy a raison, réagissait-elle tranquillement devant le micro. Quand vous tapez loin, c’est utile sur un parcours long. » Mais Icher de poursuivre: «En même temps, il faut taper droit. Nous, les Européennes, sommes peut-être plus courtes au drive. Mais nous sommes plus précises. De toute façon, cela va se jouer au chipping et au putting. Car on va toutes rater des greens, elles comme nous.»
Alors que Karine rappelait son parcours en Solheim Cup (deux éditions jouées aux Etats-Unis en 2002 et 2013, sept matchs en tout, 3,5 points ramenés à l’équipe) et disait combien cela allait être excitant pour elle de jouer enfin une Solheim en Europe, Anna Nordqvist enchaînait sur une autre Carin -Carin Koch- la capitaine de l’équipe européenne: «C’est quelqu’un de très positif. Elle nous fait croire en nous-mêmes et nous donne le sentiment d’appartenir vraiment à une équipe. » C’est dans un rire (et toujours un peu sur le thème de la longueur et de la distance) que les Européennes achevaient leur dernière conférence de presse d’avant tournoi. Karine Icher expliquait que les deux équipes occupent chacune une aile de l’hôtel Villa Medici, proche du golf. Ensemble. Mais pas voisines de palier. « Oui, oui, lâchait Nordqvist, nous voulons être à des kilomètres (miles away) des Américaines! »
A lire également

Karine Icher dans le foursome n° 3
La Française joue l’un des quatre premiers foursomes, ce vendredi matin. Avec l’Espagnole Azahara Muñoz, elle affrontera la redoutable paire US Lexi-Thompson-Cristie Kerr.

Karine Icher : « Le putting va être décisif »
À la veille du début de la Solheim Cup, Karine Icher s'est entraînée sous la pluie allemande de St. Leon-Rot. La numéro un française évoque l'état d'esprit de l'équipe européenne et les clés pour conserver le trophée.

Premiers matchs… devant le micro !
Avant le coup d’envoi de la 14e Solheim Cup, vendredi à St. Leon-Rot, les deux Capitaines et leurs joueuses sacrifient à trois jours de conférences de presse. Ambiance, avec les premières nouvelles de Gwladys Nocera et Karine Icher.

De 1990 à 2015, les chiffres et les stats
Composition des deux équipes présentes à St. Leon-Rot, bilan et sites des treize précédents matches Etats-Unis/Europe, résultats des cinq Françaises qui, comme Karine Icher et Gwladys Nocera cette semaine, ont fait partie de l’équipe européenne… Petit récapitulatif.

Ludivine Kreutz : « La Solheim, c'était le Graal »
La Solheim Cup se tiendra du 18 au 20 septembre à St. Leon-Rot, en Allemagne. Ludivine Kreutz fait partie des cinq Françaises qui l’ont jouée depuis 1990 (avec M-L de Lorenzi, P. Meunier-Lebouc, K. Icher et G. Nocera). Souvenirs de l’édition 2005 et premier tome de notre saga (...)

Nocera : « La Solheim Cup donne des ailes »
La Solheim Cup se tiendra du 18 au 20 septembre à St. Leon-Rot, en Allemagne. Gwladys Nocera fait partie des cinq Françaises qui l’ont jouée depuis 1990 avec Marie-Laure de Lorenzi, Patricia Meunier-Lebouc, Karine Icher et Ludivine Kreutz (voir saga n° 1, 18 mars). Souvenirs de (...)

Patricia Meunier-Lebouc : « La Solheim, c’est électrique ! »
Avant la Solheim Cup, du 18 au 20 septembre à St. Leon-Rot, entretien avec Patricia Meunier-Lebouc, l'une des cinq Françaises à l'avoir jouée avec Ludivine Kreutz, Gwladys Nocera, Marie-Laure de Lorenzi et Karine Icher.

Marie-Laure de Lorenzi : « Mes quatre Solheim »
À quinze jours du rendez-vous de St. Leon-Rot, Marie-Laure de Lorenzi revient sur « ses » éditions de 1990, 1996, 1998 et 2007 dans le cinquième et dernier volet de notre saga consacrée à l'histoire des Françaises en Solheim Cup.