Miyazato à la une, Icher en contrôle

Par Nathalie Vion pour la Fédération française de golf.

Un show immédiat et au coeur même de l’action
Juste génial. Génial et très émouvant. Il faut le dire parce que ce sont les mots qui viennent spontanément à l’esprit quand on a la chance de vivre la première édition de The Evian Championship en direct du «Puzzle». Cette grande zone aux pétales multiples se situe juste devant le clubhouse. Comme un coeur central, vibrant, évident, épatant, d’où arrivent et partent les artères et veines des trous 1, 5, 6, 15, 16, 17 et, bien sûr,18! Pour les spectateurs, pas besoin non plus d’avoir un palpitant champion qui bat à 38 pulsations/minute. Car sans avoir à fournir le moindre effort, sans beaucoup mouliner du mollet, le festival des yeux est acquis, avec une immédiateté totale dès l’arrivée sur le tournoi. On entre droit dans le show à peine descendu des navettes qui montent depuis les parkings d’Evian. Proximité totale, aussi, de par la configuration de ce «Puzzle»: on est aux premières loges, dans le pistil de l’edelweiss, vraiment à l’épicentre du «tremblement de fers». Mais surtout, de par la création de petits chemins verts bien cogités, on est libre de bouger, libre d’être proche des greens, des départs et des joueuses. Et libre de zapper instantanément d’un régal à l’autre.

Le n°18 et ses sièges de toile verte façon «cinéma»
Vite un premier saut au bord du si scénique par 3 n°5, le nouveau trou signature, facile à balayer du regard dans son entièreté et magnifié par un superbe arrière-plan sur le Léman. Au soleil du matin, par un merveilleux vendredi 13, l’Américaine Brooke Pancake, fait sauter sa balle hors du bunker, façon crêpe un jour de chandeleur (c’est fait, le jeu de mot idiot est évacué, n’y revenons plus)... On se recule un peu, et hop: départ du n°6 plein cadre. On bouge de quelques mètres, direction l’amont: et c’est une pluie de balles qui arrive vers vous par le green du n°15, avec sa position de drapeau dramatique. Levons juste les yeux: tout le par 3 n°16, du départ au green, se visualise en contre-plongée et dans un travelling oculaire assez rare. Petit pas de côté: nous voilà sur la grande dune en herbe qui enchâsse le green du n°18. Un écrin naturel constellé de chaises en toile renforcée couleur vert sapin. Ton sur ton. Discret. Simple. beau. Et donc réservé aux VIP? Eh bien, une petite partie, oui… Mais les quatre cinquièmes de cette aire de guetteurs privilégiés, un peu en surplomb du green du 18, avec les 5 et 6 dans votre dos, est, elle, offerte au public. On s’assied donc en toute légitimité dans ces légers mais confortables «fauteuils de réalisateur» version campagne chic et là, c’est encore mieux qu’au cinéma!

De nouveaux panneaux électroniques, pour l’info
Franck Riboud, le «producteur» de tout cela, butine déjà lui-aussi d’un spot à l’autre. Au milieu du public, goûtant exactement comme tout le monde cette petite dégustation de plaisirs golfiques servie sur un plateau aussi facile que compact. «The Puzzle» est la première énorme réussite de The Evian Championship, nouveau Majeur féminin qui ouvre avec un jour de retard ce 13 septembre... Mais cela valait bien la peine d’attendre 24 heures et cette magnifique lumière d’automne sur la montagne et le lac. «Extraordinaire», «Merci», «On se régale», «Formidable», «Trop bien conçu...» Beaucoup de personnes viennent féliciter le «patron» directement puisqu’il est là, comme tout le monde, à papillonner en liberté dans la zone du Puzzle. Tantôt assis dans les sièges verts façon Augusta National, tantôt marchant, tantôt seul et concentré sur les images, tantôt partageant les impressions des gens. «Qui est le gars qui a bien pu imaginer ce truc, ce Puzzle?» s’amuse t-il, sans doute ravi et ému aussi, mais à l’intérieur, tout en retenue. Au fil de la journée, le public se densifie. Et l’après-midi, l’affluence est confirmée, une réussite, là-encore. Tout comme les nouveau panneaux électroniques, qui ont fait leur apparition à plusieurs endroits du parcours, et qui renseignent en permanence ceux, nombreux, qui partent explorer tous les recoins du parcours alpin.

Derrière Miyazato, le retour de «Pak aux cinq Majeurs»
C’est ainsi que, tout en marchant ou en se relaxant dans les chaises de toile couleur épinard, chacun peut suivre en live les faits rapidement «majeurs» du premier tour de The Evian Championship. A commencer par le nom de la femme du jour: la Japonaise Mika Miyazato auteur d’un 65 (-6). Sept birdies, un seul bogey au par 4 n°15, emballez, c’est pesé! Mika, on le rappelle, n’a pas de lien de parenté avec Ai Miyazato, double vainqueur de l’Evian Masters en 2009 et 2011. Mais on l’avait déjà souvent retrouvée en bonne posture dans l’ancien tournoi... avant qu’elle ne se fasse grignoter en chemin ou coiffer au poteau! Derrière Mika, trois deuxièmes ex aequo en -5: Pettersen, Pak et Gal. Respectivement les 3e, 41e et 53e du Rolex Ranking, le classement mondial. La Norvégienne Suzann Pettersen envoie ainsi un signal fort à ses rivales les plus directes dans cette hiérarchie planétaire, soit Inbee Park, la numéro 1 (+3, 73e seulement), et Stacy Lewis, la numéro 2 (-2, 11e). Sandra Gal, dont on se plait à rappeler qu’elle fit quinze ans de danse classique et se révéla une jeune violoniste assidue avant de choisir le golf professionnel, a de son côtés des références: vainqueur du Kia Classic en 2011 sur le LPGA Tour et surtout 3e de l’US Open en 2012. Quant à Se-Ri Pak, elle est l’origine même du déferlement des Coréennes sur le golf mondial: une icône, un guide, une déesse, avec ses cinq succès dans les Majeurs entre 1998 et 2006 (une fois l’US Open et le British Open, trois fois le LPGA Championship). La revoir aux avant-postes d’un Majeur, même après un seul tour, rajeunit tout le monde! Même chose pour Christina Kim, la tonitruante et spectaculaire Américaine d’origine coréenne, «chronométrée», avec ses tresses noires et sa carrure unique, en -4 (seule 5e). Alors qu’on ne l’avait pas revue à ce niveau depuis plusieurs lunes et pas mal de tombées de neige sur Evian.

Inbee Park (+3) timide, Lydia Ko (-3) déjà effrontée!
Le premier tour est également marqué par la fantastique présence de Lydia Ko (la petite merveille néo-zélandaise, amateur de 16 ans, signe un -3 remarquable, 6e provisoire). Une attitude «effrontée» qui contraste donc avec les débuts assez timides de la numéro 1 mondiale Inbee Park, dont on attendra la réaction ce samedi dans le deuxième tour. A noter aussi les désillusions de deux ex-leaders du golf mondial (la Taïwanaise Yani Tseng, +4, et l’Américaine Cristie Kerr, +5). Quant à Karrie Webb et Michelle Wie (-3, 6emes ex aequo), elles ramenaient les fidèles spectateurs à l’édition 2006 de l’Evian Masters, quand elles avaient été première et troisième, sur le même très beau podium. Du côté des trois Françaises engagées, il n’y a pas eu d’exploit ce vendredi, personne tout en haut du tableau. Gwladys Nocera (+3) et Johanna Klatten (+5), qui jouaient dans la même partie, sont respectivement 73e et 100e provisoires. Quant à Karine Icher, partie l’après-midi, elle se place 57e, avec un +2 (73) pour sa première carte dans The Evian Championship. Pas tout à fait idéal, donc, mais c’est ainsi. Et comme le souligne Gwladys Nocera, toutes trois n’auront pas d’autre choix que d’être offensives ce samedi dans le deuxième tour. Un brin exaspérée par la lenteur du jeu des parties précédant la sienne («5h40 de jeu, c’est juste insupportable»), la numéro 3 européenne craignait aussi que le cut ne soit ramené aux cinquante premières et ex aequo ce samedi soir. Ceci pour faciliter le déroulement d’un dimanche où 36 trous sont au programme après le report du premier tour de jeudi. Hypothèse à suivre. Et à confirmer ou non.

Nocera à l’attaque, Klatten à l’espoir, Icher au moral
«Demain, j’attaque!» C’est en tout cas ce qu’a déclaré Gwladys Nocera à la sortie de cette partie à rallonges où elle s’en voulait un peu de «faire +3 en ayant un jeu pareil»... (voire son interview vidéo et lire, demain samedi, un éclairage plus développé sur sa saison)... «Je ne suis pas désespérée.» C’est, de son côté, la conclusion positive de Joanna Klatten, embêtée et surprise par son rescue 18°, qui lui a fait manquer beaucoup de fairways, mais satisfaite d’un jeu de fers et d’un putting qui lui ont permis de signer quand même quatre birdies (sa carte de +5 étant due à un double bogey au 12 et à sept bogeys par ailleurs)... «Ce samedi, il faudra que je sois sous le par» C’est, pour finir, la conclusion, calme, déterminée et lucide, que Karine Icher tirait de son propre premier tour. Comme l’illustrait son magnifique coup de wedge au totem pour sauver le par au 18, le jeu et l’attitude de Karine dégagent une impression de confiance et de maîtrise. Idem pour sa réaction après une départ décourageant: bogeys aux 1, 2 et 3! Un coup de fer raté par là, une gratte autour du green par ci... La numéro française expliquait rationnellement cette entrée en matière qui aurait pu la faire s’écrouler. «Mais non, il vaut mieux perdre trois pions au début que sur les derniers trous, quand il n’y a plus de possibilité de se rattraper», tranchait elle tranquillement. A sa décharge -et on la croit aisément tant son ton n’était ni plaintif ni inquiet-, les greens, attendris par la pluie, avaient beaucoup marqué. De plus en plus bosselés au fil de la journée: «Pas mal bumpy, oui. Vraiment pas faciles. Mais demain, je joue le matin, ça ira beaucoup mieux.» Un moral d’acier, c’est du 100% Icher, on aime!