Nocera : « Je joue au golf pour ces émotions là »

C’est à croire que Gwladys Nocera avait décidé de mettre à l’épreuve le cœur de ses supportrices et supporteurs ! À quelques exceptions près, elle a tout fait pour maintenir un suspens digne d’un bon polar tout au long de ce quatrième tour. Comme l’an dernier où, ici même sur le parcours de l’Océan, à Agadir, elle avait tenu le public en haleine jusqu'à un play-off malheureusement perdu contre l’Anglaise Charley Hull. Mais cette fois, elle a eu raison de sa principale rivale, la Sud-Africaine Nicole Garcia qui reste 2e du tournoi mais ex æquo avec les Anglaises Felicity Johnson et Melissa Reid.

« Ça devient une habitude pour moi ici, et il va falloir que j’arrête parce que ce n’est pas très drôle, plaisante Gwladys. Nous avons très bien joué toutes les deux mais j’ai fait un double bogey au 14 et encore un mauvais putt au 17. Ça devenait très serré, on se tenait à pas grand-chose, et en plus je voyais que Felicity Johnson jouait très bien devant nous. Il fallait que je reste bien concentrée sur mon jeu et que je continue à me mettre près des drapeaux, à faire comme je fais d’habitude. »

Dit de telle façon, l’air détaché, cela semble presque avoir été une formalité. Simple vue de l’esprit car on suppose que les souvenirs de l’an dernier ont dû violemment remonter à la mémoire de Gwladys. « Ce n'est jamais facile de se vider la tête, mais c'est tellement bien quand on y arrive ! C'est pour ressentir ces émotions que l’on joue au golf, c’est pour ça qu'on en redemande », explique-t-elle, radieuse.

Cette dernière partie en tout cas été extraordinaire. Chacune des joueuses en lice luttait farouchement pour marquer son territoire et se l'approprier. Effrontée et décidée à faire vaciller son aînée, Nicole Garcia enquillait un birdie dès le premier trou, après une superbe approche. Elle n’avait plus qu’un coup de retard sur Gwladys, autant dire rien. Comme on pouvait le supposer, ce n’était pas suffisant pour impressionner Gwladys qui, prudente, remettait les pendules à l’heure dès le trou suivant. Les deux concurrentes revenaient au point d'où elles étaient parties. Mais, une Gwladys avertie en valant deux, la championne française décidait alors que c’en était assez, qu'il fallait montrer à l’outrecuidante Sud-Africaine qui est la patronne sur le golf de l'Océan. Nocera signait donc un nouveau birdie sur le 3 pour s’assurer 3 coups d’avance.

La suite peut se résumer à des attaques impitoyables à visage découvert : birdie de Nicole au 6, plus que 2 coups de retard ; nouvelle mise au point de Gwladys au 8, de nouveau 3 coups d’avance ; révolte de Nicole au 9, retour à 2 coups ! C’est dire l’intensité de la bagarre, usante pour les nerfs, éventuellement préjudiciable pour le jeu. La preuve ? Au 11, le face à face entre les deux joueuses prenait une tournure qui pouvait s'avérer décisive : la Française profitait d’un bogey de sa rivale pour l’enfoncer un peu plus grâce à un nouveau birdie. Avec 4 coups d’avance, l'issue finale commençait à prendre forme.

Cependant, à peu près au même instant, sur le 13, l’Anglaise Felicity Johnson signait son 6e birdie de la journée et n’avait plus que 3 coups de retard sur Gwladys. La bataille était complètement relancée au 14 avec le double bogey de Gwladys. Quatre joueuses se tenaient alors dans un mouchoir de poche,  tout était remis en question. Mais la Française, comme on sait, a tenu bon pour remporter sa 14e victoire sur le LET et sa 2e dans la Coupe Lalla Meryem.

Ce succès permet à Gwladys de prendre la tête de l’Ordre du Mérite européen mais il constitue surtout pour l'heure une excellente préparation technique et mentale dans l’optique du premier tournoi majeur de la saison, l'ANA Inspiration, auquel elle participera la semaine prochaine. « J’ai beaucoup travaillé ici avec Benoît [Ducoulombier, son entraîneur], on a recalé mon swing et maintenant je suis prête. Je pars demain matin pour Los Angeles et j’ai hâte d’y être pour m’éclater autant que je me suis éclatée ici ! »

Jean-Louis Aragon