Patricia Meunier-Lebouc : « La Solheim, c’est électrique ! »

Avant la Solheim Cup, du 18 au 20 septembre à St. Leon-Rot, entretien avec Patricia Meunier-Lebouc, l'une des cinq Françaises à l'avoir jouée avec Ludivine Kreutz, Gwladys Nocera, Marie-Laure de Lorenzi et Karine Icher.
Patricia, vous avez disputé deux Solheim Cup, en 2000 et en 2003. Cinq mois avant l’édition 2003, au Barsebäck G&CC de Malmö, vous aviez remporté le Kraft Nabisco Championship, un tournoi majeur. Et vous étiez dans l’équipe européenne alors que vous attendiez un heureux événement… Comment raconter cette incroyable année ?
C'était en effet une sorte d’apothéose de carrière. Mais gagner le Kraft Nabisco Championship, au mois d’avril 2003, ce n’est pas quelque chose qui est arrivé sans raison. Cela représentait l’aboutissement d’une succession de beaucoup d’années de travail. J’avais vraiment construit dans le temps. Tout cela était inscrit dans la durée. Et si je gagne le Kraft, c’est aussi grâce à cette volonté que j’avais de mener deux projets en parallèle : vie sportive mais aussi vie personnelle. L’année d’avant, en 2002, j’avais remporté un tournoi sur le LPGA Tour (ndlr : le State Farm Classic). C’est là que je me suis dit que quoi qu’il arrive, j’aurais un enfant dans les mois qui venaient. Je ne voulais pas que les années passent et que je me retrouve prise dans le tourbillon… Alors quand je gagne le Kraft, on s’est regardés, avec Antoine (Lebouc, son mari) et on s’est dit : « Allez, on y va ! » (rires).
En septembre 2003, pour la Solheim Cup, vous êtes donc enceinte de cinq mois. Ce qui n’a pas empêché Catrin Nilsmark de vous retenir dans l’équipe…
Oui, Catrin m’a choisie avec un captain’s pick. Car malgré ma victoire au Kraft, je n’étais pas dans les points. C’était assez différent d’aujourd’hui pour rentrer dans les points… J’avais déjà joué et gagné la Solheim en 2000 avec l’Europe. Mais en me qualifiant grâce à mes résultats sur le circuit européen. Là, j’étais fière que Catrin m’appelle et me dise : « Tu es dans l’équipe. Je crois en toi ». Il faut dire aussi que je venais aussi de jouer le British Open et que j’étais en tête le dernier jour… (ndlr : Patricia terminera 5e de cet Open britannique 2003 au Royal Lytham & St Annes). En tout cas, c’était sympa d’être dans l’équipe !
En tant que joueuse future maman, n’étiez-vous pas une sorte de mascotte dans cette équipe de 2003 ?
Une maman sur place dans l’équipe, c’est toujours spécial. Catrin, de plus, avait une sensibilité particulière à cela. Puisqu’elle avait déjà deux enfants et que, comme moi, elle avait continué à jouer assez longtemps même en étant enceinte.. Donc elle savait que c’était possible. Et vu mes perfs de l’année, elle n’a pas eu peur de me sélectionner.
Cela vous posait-il néanmoins des problèmes spécifiques au niveau du jeu ou de la forme physique ?
En fait, durant ma grossesse, j’ai été malade tous les jours entre deux mois et demi et six mois et demi ! Donc oui, j’avais des nausées toute la journée. Et un peu de mal à me lever le matin aussi !
Catherine Nilsmark avait-elle tenu compte de cette « spécificité » pour votre programme en 2003 à Malmö ?
Cela a joué puisque je n’ai pas été alignée le premier jour. Mais c’est aussi parce qu’on était une très forte équipe européenne et que Catrin avait déjà à sa disposition des paires qui fonctionnaient extrêmement bien. En tout cas, ce n’est pas ce qui pouvait me vexer. Je n’étais absolument pas là pour moi mais pour l’équipe. C’est cet état d’esprit qu’on recherche en Solheim Cup. La grosse qualité, dans ce type d’événement, c’est d’être à 200 % pour l’équipe et même de saisir cette opportunité qu’il y a de ne pas être au centre de tout, comme lorsqu’on joue les tournois en individuel. On en retire beaucoup d’ailleurs. On s’améliore.
Votre fille Phildine, aujourd’hui onze ans, a t-elle eu un récit complet sur cette semaine où « elle a gagné la Solheim Cup 2003 » avec vous ?
On essaye de ne pas en parler plus que cela maintenant. Mais c’est vrai que quand elle a été en âge de comprendre, je lui ai dit : « Tu sais quoi ? T’étais dans mon ventre à Malmö. La Solheim Cup, tu l’as gagnée aussi ! » C’était drôle de voir le côté interpellé de la gamine. Mais oui, on était treize dans l’équipe européenne en 2003 ! En tout cas, je sais d’où Phildine tient son énergie, avec toutes les émotions fortes qu’elle a connues avant de naître. Car à six mois et demi, grosse comme un ballon, je jouais encore le Tour Championship à West Palm Beach ! En finissant 10e…
À Malmö, vous jouez le quatre balles meilleure balle le vendredi après-midi, associée à Suzann Pettersen. Et avec Suzann vous l’emportez 3&2 sur la paire américaine Angela Stanford/Meg Mallon. Quel souvenir de ce match et de cette victoire ?
Alors, là, c’est fou parce que j’ai assez peu de souvenirs de ce match. On a dû jouer tranquilles. Sereines. Sans aller chercher dans nos ressources. Quand tu finis 3up et que la gagne se joue au trou n° 16, tu n’as pas de souvenirs de bagarres mémorables comme celles que Suzann a livrées parfois dans ses singles en Solheim Cup…
Et quel souvenir du simple du dimanche, en dernière partie face à Kelly Robbins ?
Là, j’étais hyper à l’aise, hyper sereine. J’étais tellement bien, je la dominais. Donc mentalement, très vite, elle n’y était pas. J’étais 1up à je ne sais plus quel trou. Et à un moment, on a appris que l’Europe gagnait de toute façon. Elle m’a donné le match. À l’époque, on avait aucune consigne dans ces cas-là. Donc on a arrêté et on est parties retrouver tout le monde au green du 17. Là, quand tu es dans l’équipe qui a gagné, tu as des ailes !
En 2003, l’Europe bat les États-Unis 17,5 à 10,5. Et en 2000, pour votre première Solheim Cup, l’Europe avait déjà gagné 14,5 à 11,5. C’est à dire que vous avez disputé deux « Solheim » gagnantes. Quel sentiment ?
Gagner la Solheim Cup, c’est vraiment magique ! C’est électrique ! On en a tellement rêvé que quand cela arrive, on est submergée par des émotions qu’on a pas l’habitude de gérer le reste de l’année. Nous pratiquons un sport individuel et là, c’est en équipe que cela se passe. Il n’y a rien de comparable. Gagner un tournoi, ou même un Majeur comme je l’ai fait au Kraft en travaillant énormément, n’est pas du tout pareil. Oui, la Solheim, c’est électrique.
Et après la gagne, il y a la fête !
Oui, surtout du côté des Européennes ! Nous sommes renommées pour cette capacité à vraiment profiter du moment à fond. Au point qu’en général, les Américaines se joignent à notre fête à nous ! Mais si les Européennes sont si heureuses d’être là, et si enthousiastes en cas de victoire, c’est parce que, pour nous qui ne venons pas d’un seul pays mais de plusieurs, c’est déjà une victoire que de réussir à créer une vraie équipe. La joie, c’est aussi d’arriver à créer une réelle symbiose malgré des individualités aussi diverses, côté langues, cultures, habitudes… C’est cet effort pour créer une belle unité qui nous rassemble. Pour ma première Solheim Cup, en 2000, j’étais arrivée avec une caisse de vins de Bourgogne. Les filles étaient clouées ! Trop touchées. Et moi j’étais étonnée qu’elles soient touchées.
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